
Episode 4 : la baguette
Dans la forêt, la nuit du 19 mars
La forêt commençait à retrouver les couleurs du printemps. Et les chants des oiseaux résonnaient, un peu partout au travers des arbres.
Les jours rallongeaient et de nombreux mâles gazouillaient avec l’idée de trouver une partenaire. Assurer la future génération restait l’unique occupation des habitants de la forêt.
De leur côté, les quatre équipées étaient arrivés depuis longtemps sur le lieu du rendez-vous entre Luténia et Gnomia.
Comme convenu, tous patientaient dans le silence, espérant voir débarquer les chefs des deux villages. Une sorte de malaise planait entre eux, si bien que chacun semblait perdu dans ses pensées.
Enfin, pour tromper l’ennui, les huit compères s’adonnèrent à leur occupation préférée.
Ainsi, P’titom et Tamalou tâchaient de faire fonctionner leur lance-pierre avec un certain naturel.
Mignonne essayait de faire tenir sur les antennes d’Elégante, une couronne de marguerite et trèfle à quatre feuilles.
Les Sanvergognes, eux , se maintenaient un peu à l’écart du groupe. Et comme d’habitude, ils semblaient comploter.
Enfin, les Belfrimousses jouaient à saute-escargot. Et dès qu’Ambrette réussissait à garder l’équilibre sur la coquille de Bottine, celle-ci l’enlaçait de contentement et lui faisait quatre bises.
Une de chaque côté. Et une sur chaque antenne.

Soudain, au loin, se dessinaient les courbes d’un lapin au pelage roux et celle d’un papillon bleu qui voletait à ses côtés. Ils s’avançaient sereinement, bien décidés à faire halte à hauteur des quatre équipes.
– Se sont eux là-bas ? demanda le lapin au papillon.
– C’est bien la première fois que je les vois aussi calmes, ces huit-là.
– Sans doute l’appréhension de quitter leur village, appuya le lapin roux.
– Pour tous, c’est une première grande aventure.
– Une première qui s’annonce bien difficile, dit le lapin roux.
– Maintenant, ne pensez-vous pas qu’il est temps de retrouver nos états d’origines ? demanda le papillon bleu.
– Vous avez raison, mon cher collègue. C’est le moment.
Ni une ni deux, le lapin roux et le papillon bleu changèrent de forme sous les regards hébétés des huit compères.
Le lapin roux reprit sa forme initiale, celle de Lutinenchef, tandis que le papillon bleu redevint Gnomenchef.
– Waouh ! C’est incroyable ! Lança P’titom au même moment.
– Je t’en bouche un coin, n’est-ce pas ? Quand tu sauras faire la même chose, tu seras un grand magicien ! dit Lutinenchef, un brin amusé.
– Voyons Lutinenchef, l’initier à cette pratique serait bien trop long, et le temps presse. Ils doivent partir chercher le crocus de lune, gronda Gnomenchef. Et dès ce soir !

– Vous avez raison, Gnomenchef. Ou avais-je la tête ?
– Mais, mais…, bredouilla Mignonne, tout à coup. Moi, je ne comprends rien à vos transformations ?
– Cette pratique de la magie très avancée, vous n’en aurez pas besoin. Rassures-toi Mignonne, dit Lutinenchef.
– Et c’est aussi une plaisanterie entre nous deux, ajouta Gnomenchef. A nos âges, presque 750 ans, il faut bien se distraire un peu.
Pendant l’échange, le binôme des Sanvergognes s’était rapproché. Et globuleux intervint immédiatement.
– Nous sommes prêts, alors partons maintenant.
– Il reste une chose à vous dire, dit Lutinenchef.
– Nous devons vous communiquer le nom de celui ou celle qui prendra la direction du groupe pendant le voyage.
Les quatre duos écoutaient attentivement le choix des anciens.
– Il faut vous souligner… la décision n’a pas été facile à prendre, indiqua Lutinenchef.
– Mais , nous sommes finalement tombés d’accord. Ce sera Tamalou, le chef de file, annonça Gnomenchef.
– QUOI ? Un escargot sera le CHEF D’EQUIPE ? hurla Globuleux.

– C’est impossible ! lança Ambrette tout aussi contrariée.
Manifestement, cette fois, elle était en accord avec Globuleux.
– Je ne comprends pas très bien votre réaction ? demanda P’titom. Tamalou est un escargot sérieux ?
– Je t’ai déjà dit, les gnomes créaient toujours des problèmes, susurra Tamalou, au même moment, à P’titom.
– A partir de maintenant, c’est Tamalou qui commande. Et un point c’est tout ! Et c’est P’titom qui utilisera la baguette. Je lui confie ma propre baguette magique, dès à présent, dit Lutinenchef en présentant l’objet magique à P’titom.
Le lutin resta sans voix. Mécaniquement, il s’empara de celle-ci, se sentant, tout à coup, un lutin important.
De son côté, Globuleux pestait avec Télescopique.
Ambrette contenait tant bien que mal son agacement, auprès de Bottine.
Pour leur part, Mignonne et Elégante ne savaient pas comment réagir à cette nouvelle.
– Maintenant, il est de notre devoir avec Gnomenchef, de t’apprendre quelques secrets pour utiliser, au mieux, la baguette. Pour se faire, honneur à Gnomenchef. C’est à vous ! dit Lutinenchef en se tournant vers son collègue.
Gnomenchef s’approcha de P’titom en faisant pivoter entre ses doigts la baguette de Lutinenchef. A la manière d’un chef de cuisine chinoise, il continuait à faire pivoter l’objet magique entre ses doigts.
Et il s’amusait de voir l’étonnement s’inscrire sur le visage de P’titom.
Comment avait-il fait pour avoir en main la baguette de son collègue Lutinenchef.

Car P’titom constatait qu’il ne l’avait plus en sa possession.
– Je n’y comprends rien, dit P’titom en regardant ses mains vides.
– Et oui, c’est bien elle. Celle de Lutinenchef. C’est un sacré bon tour de magie que tu vois là ? dit Gnomenchef. Maintenant, concentres-toi, P’titom. Alors… il faut d’abord que tu gardes la baguette dans ce sens-là, précisa le vieux gnome en montrant le sens à adopter. L’extrémité effilée en haut. Le coté plus épais en bas, comme ça. Sinon… C’est une catastrophe.
– Je le répète. Si tu te trompes de sens, tu obtiens le contraire de ce que tu demandes. Tout de suite, je te donne un exemple, précisa Lutinenchef. Disons que tu souhaites… heu… changer Globuleux en chaton. Eh bien, si tu te trompes de côté, tu obtiendras un LION ! C’est compris ?
– C’est à toi, P’titom. Essaie maintenant pour voir, conclut Gnomenchef.
Et Lutinenchef qui se caressait sa barbe. Cette fois, c’était le signe de son inquiétude.
– Dis un peu ce que tu veux, invita Gnomenchef.
– Je veux… je veux… changer…, formula P’titom avec hésitation.
– Eh bien, changer qui, et en quoi ? demanda Ambrette tout à coup.
Soudain, P’titom eut une idée.

– Toi Ambrette, je veux te changer en libellule ! dit P’titom en pointant la baguette sur elle.
Et P’titom qui avait oublier de balancer la baguette d’avant en arrière pour basculer de sens. Du coup, la pauvre Ambrette se transforma non pas en une libellule frêle et aérienne, mais en un gros bourdon poilu et strié de jaune et noir.
La bestiole énorme tournoyait autour de groupe. Elle semblait prête à piquer celui ou celle qui se trouvait dans son sillage.
– Arrête ça tout de suite, dit Ambrette, changée en cet affreux bourdon, à P’titom, et à chaque passage près de son oreille.
– Crois-moi, je fais de mon mieux, répliqua P’titom.
– Il n’est pas bien habile, chuchota Gnomenchef à Lutinenchef.
– C’est un peu court comme leçon de magie, lança Mignonne en entendant la remarque des deux vieux chefs. Arriver à maitriser la baguette en cinq minutes… il ne faut pas être doué mais plutôt un génie !
– Elle a raison, admit Gnomenchef.
Et P’titom qui persistait à pointer de la baguette le vol du bourdon-Ambrette.
Sans résultat !
Le gros bourdon était toujours là !
Plus les secondes passaient, et plus P’titom était affolé.
Et les deux chefs qui parlaient entre eux, sans se soucier du sort de la pauvre Ambrette transformée en bestiole piqueuse.
Tout à coup, lassé d’attendre un signal qui tardait à venir, P’titom hurla :
– Stop ! Comment faire pour retrouver la vraie Ambrette ?
– Bascule. Change de sens. Et tout redevient comme avant, dit Gnomenchef.

P’titom s’exécuta sur le champ. Et le gros bourdon jaune et noir se transforma aussitôt en Ambrette. La métamorphose fut si rapide, qu’Ambrette roula sur quelque mètre parterre avant d’aller s’écraser contre le tronc d’un pin des montagnes.
Enfin, le bourdon avait totalement disparu.
– Non mais tu es complètement fou, cria-t-elle en se relevant du sol, et en se frottant les fesses.
– Je ne l’ai pas fait exprès, se défendait P’titom.
– La magie est capricieuse. Et P’titom n’a rien fait pour te faire mal, intervint Lutinenchef pour calmer la rage d’Ambrette.
Les autres équipes restaient muettes.
– Encore heureux ! Il ne manquerait plus que ça ! souligna Ambrette.
– Toi, P’titom, il faut que tu te concentres davantage, dit Gnomenchef. S’il te plaît, recommence.
Mais, au fond de lui, P’titom craignait le pire. Car, il ne se sentait pas à l’aise avec ce bidule magique.
Cependant, avec courage et détermination, il pilota la baguette, et la pointa une nouvelle fois sur Ambrette.
– Pas sur Ambrette, s’indigna Lutinenchef en levant les yeux au ciel.
P’titom ne savait toujours pas, comment se comporter avec la baguette.
– Cette fois, dirige-la sur… sur… Télescopique ! Allez vas-y maintenant, dit Lutinenchef.
Sur les conseils du chef, le lutin dirigea celle-ci dans l’axe de l’escargot Télescopique.
Tout à coup, la baguette se mit à trembler. Apparemment, elle était prise d’une folie inexplicable.

– Tiens donc ? C’est plutôt inattendu comme effet. La baguette vibre mais reste muette, souligna Gnomenchef dans sa barbe.
– Vous pensez à ce que je crois être la cause de son inaction, cher collègue ? lança Lutinenchef.
– Hum ? Essayons une nouvelle fois avant d’en tirer une conclusion, répliqua le vieux gnome.
P’titom demeurait silencieux, trop curieux de comprendre les paroles échangées entre les vieux magiciens.
Les autres restaient un peu à l’écart de l’épreuve.
– Allez P’titom c’est à toi. Réessaye. Vise Télescopique, et concentre-toi, dicta Gnomenchef.
P’titom s’exécuta aussitôt. Il lâcha entre ses dents un souhait. Lutinenchef et Gnomenchef tendaient l’oreille sans comprendre les mots formulés de P’titom.
– Plus fort, pria Lutinenchef.
Mais P’titom n’en fit rien. Il marmonnait encore dans sa barbe, de peur de faire une autre bêtise.
– Plus fort, on te dit ! Ecoute un peu, Lutinenchef, nom d’un gnome ! jura Gnomenchef.
-Que Télescopique devienne un MOUTON ! lança tout à coup P’titom.
– Pourquoi un mouton ? Elle est idiote ton idée, envoya Gnomenchef.
– Voyons Gnomenchef, je ne vous permets pas de dire que l’idée de mon lutin est stupide… Stupide vous-même, tiens ! riposta Lutinenchef.
– Oh mais je ne vous permets pas… vous de même, mon cher !

– Je dis ce que je veux d’abord ! répliqua Lutinenchef.
Et voilà qu’éclata une énième dispute entre gnome et lutin.
– Mouton ! dit P’titom à Télescopique qui n’écoutait plus les deux anciens.
Et, Télescopique restait lui-même. Il ne se transformait qu’en Télescopique, et rien d’autre.
– Elle est NULLE cette baguette. Elle n’est pas plus magique que moi ! rageait P’titom.
P’titom jeta la baguette dans l’herbe, avant de rejoindre Tamalou.
Devant le spectacle désolant du lutin fâché, les deux chefs stoppèrent immédiatement leur querelle.
– Ce n’est pas de ta faute, P’titom. Et oui, la baguette EST magique! C’est juste que… c’est Télescopique qui est un… un…, avait du mal à dire Gnomenchef.
– En fait, c’est un STARK ! renchérit Lutinenchef.
– Un QUOI ? demanda Télescopique, effondré par une nouvelle qu’il ne comprenait pas.
– Et puis d’abord c’est quoi un Stark ? demanda P’titom.
– Un Stark, c’est quelqu’un qui ne peut pas être transformer en autre chose que lui-même, expliqua Lutinenchef.
– Télescopique ne peut être que Télescopique, appuya encore Gnomenchef.

– Je suis malade ? demanda Télescopique chagriné.
– Mais non, tu n’es pas malade, confirma Gnomenchef. Tu es un Stark, et c’est comme ça.
– C’est comme cela que l’on appelle les êtres non convertibles, compléta Lutinenchef.
Pendant un moment, tous restèrent sans mot dire. Et les filles se lançaient des regards de compassion pour Télescopique. Même Globuleux semblait touché par la révélation.
– Je vous ai dit qu’il n’y avait rien de grave, dit Gnomenchef.
Mais aucun des huit compères ne cherchaient à se réanimer.
– Nous allons rester, ici, et passer cette première nuit avec vous. Tous ensemble. Qu’en dites-vous Lutinenchef ?
– Excellente idée, Gnomenchef. Et si nous faisions une fête ? J’appelle les fées, annonça Lutinenchef.
– Parfait.
– Des fées ? Qui sont-elles ? demanda P’titom.
– Tu vas voir, P’titom. Vous allez tous voir ! annonça Lutinenchef plus excité que jamais.
Et c’est comme cela qu’au cœur des pins des montagnes, un groupe de lutin et gnome se préparaient à faire la fête avant le départ d’une aventure extraordinaire.
FIN
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A très vite pour lire l’épisode 5.

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Ta romancière jeunesse Carole Cril
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